La gestion de l'eau, enjeu des prochaines municipales ? Quel que soit le regard que l'on porte sur l'enquête controversée publiée le mois dernier par le mensuel de l'UFC-Que Choisir sur le prix de l'eau, nul doute que son impact dépasse désormais largement les traditionnels dossiers publiés périodiquement sur le sujet. Plusieurs raisons à cela. Le choix du moment tout d'abord. Affirmer à quelques mois à peine des élections municipales que les résultats de l'enquête « mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veolia et Suez, qui se partagent l'essentiel du marché » et en lançant un appel aux maires les incitant à renégocier les contrats en cours, l'UFC-Que Choisir sème le doute au sein des services publics de l'eau et de l'assainissement en même temps qu'elle place les élus en porte à faux. Sensibles aux réactions de leurs administrés, ceux-ci sont tentés de donner des gages. Déjà à Paris, Bertrand Delanoë a clairement indiqué sa préférence pour confier « à un opérateur public unique » la responsabilité de la chaîne du cycle de l'eau. A Marseille, le débat fait rage. Dans le Grand Sud-ouest, des associations réclamant un service public de l'eau et de l'assainissement, ont annoncé la tenue d'états généraux de l'eau au cours du mois de décembre. Objectif : interpeller les candidats à l'occasion des municipales sur le thème de la gestion publique ou de la gestion déléguée. Et décerner des labels' Ensuite, la très sensible question du pouvoir d'achat, objet de toutes les attentions du moment. En accréditant l'idée que le prix de l'eau peut et doit baisser de façon substantielle, l'association de consommateurs brise un tabou. Déjà, la Communauté urbaine de Lyon s'y est engouffrée, en demandant et obtenant, à l'occasion de la révision quinquennale de son contrat de gestion, une baisse de 16 % du prix de l'eau. Doit-on se réjouir de voir le mode de gestion de l'eau investir le débat public ? Oui, dès lors que l'ensemble des termes du débats sont clairement posés. Notamment les innombrables paramètres locaux qui impactent significativement le coût des services et qui rendent bien aléatoires les comparaisons à l'échelon national : l'état de la ressource, la qualité du milieu récepteur, la topographie, le niveau de qualité de service, les investissements à consentir pour entretenir le patrimoine, etc. Oui également si ce débat ne se résume pas à la seule question du prix des services de l'eau. Car la France doit atteindre le bon état écologique des masses d'eau d'ici 2015. Pour ceci, elle doit mobiliser l'ensemble des acteurs, particuliers y compris. Elle doit également lutter contre les pollutions diffuses, investir sur les stations d'épuration non conformes, faire face à des normes toujours plus élevées à partir d'une ressource toujours plus dégradée, améliorer la performance des réseaux d'eau potable. Elle devra également consentir un effort considérable pour renouveler ses réseaux, un patrimoine vieillissant dont il faut rappeler qu'il ne s'effectue pas à l'heure actuelle ? tant s'en faut - de façon suffisamment rapide? Bref, tout ceci coûtera cher. La question, légitime, du mode de gestion de l'eau doit être posée, tout comme celle du « juste prix » des services de l'eau. Mais elle ne doivent pas occulter le fait qu'il faudra faire face dans les prochaines années à des pressions considérables qui entraineront, mécaniquement, une augmentation substantielle du prix de ces services. Laisser croire que leur prix dépend du seul mode de gestion et qu'une baisse est compatible avec un niveau élevé d'exigence de qualité relève tout simplement de l'ignorance ou de la démagogie.